Réflexion : Comparaison France – Québec

Après ces quelques recherches je me rends compte d’une chose : La culture sourde semble beaucoup plus vivante en France qu’au Québec. Pour un événement artistique sourds à Montréal, je peux en trouver 3 en France la même année et tous de plus grande envergure qu’ici à Montréal. De plus, la plupart événements à Montréal que j’ai trouvé s’en tienne souvent à seulement interpréter l’art entendant pour les sourds, mais la communauté sourde ne crée que très peu d’elle-même. Alors qu’en France, on retrouve des groupes professionnels de Chantsigne comme Juvisol et des artistes sourds reconnus même du monde entendant comme Levent Beskardès. Pourquoi ? La réponse est assez simple même si elle soulève des enjeux bien compliqué.

En France, durant les années 1980, se produit ce que les sourds appellent le « réveil sourd ». La langue des signes commence à reconquérir ses lettres de noblesse avec William Stokoe, linguiste, qui étudie la langue des signes comme une véritable langue. Dans les années 1990, la LSF se fait connaître à la télé et par l’intermédiaire d’un film à garnd succès, Les enfanst du silence, qui fait connaître l’univers sourd au grand public français. Progressivement les mentalités et les représentations évoluent. En février 2005, la France a décrété la LSF « langue à part entière » dans le code d’éducation. Aujourd’hui, des instituts — certains privés — ou des associations ont de nouveau intégré la LSF dans leur enseignement. En 2008, la LSF devient une option pour le Bac, comme n’importe quelle autre langue. En 2010, le CAPES de LSF est créé. De plus,  depuis 2002 en Suisse une loi a été voté pour soutenir intellectuellement et financièrement les handicapés de la parole ou de l’ouïe. En 2012,  Genève est le seul canton suisse francophone qui a reconnu la langue des signes dans la constitution.

En comparaison au Québec et au Canada la LSQ ne possède aucun statut officiel. Seul l’Ontario a passé une loi déclarant la langue des signes comme langue formative et juridique en 2007. Depuis plusieurs années la communauté sourde requière une loi comme en France reconnaissant leur langue. Cependant, le gouvernement fait l’oreille sourde et impose à la communauté sourde l’oralisme, une langue signée plutôt qu’une langue des signes, et l’apprentissage du français, ce qui est selon eux absolument nécessaire pour que les sourds s’inclus dans la société, mais qui leur impose aussi de renier le développement de leur langue.  De plus, il est difficile pour la LSQ de se développer de manière unie et de demander un statut officiel puisqu’au Québec une partie des sourds parle plutôt la ASL, american sign language.

Par les mains pour les yeux

“PAR LES MAINS POUR LES YEUX, Les représentations de l’identité sourde au sein de performances artistiques de la scène montréalaise”

Au Québec, depuis les années 1960, des artistes sourds ont commencé à se produire sur scène dans des spectacles de danse, de poésie signée, de théâtre et de chants interprétés en LSQ. Hormis quelques articles qui effleurent cette question et dont les auteurs sont principalement liés à l’Université Gallaudet, aucune étude approfondie n’a été faite à ce jour sur les expressions artistiques de l’identité sourde québécoise. Dans le but d’inscrire la culture sourde dans les réflexions sociales et scientifiques portant sur l’expression identitaire de minorités culturelles par les arts, le présent projet de recherche de Marie-Claude Paradis-Vigneault dans le cadre de son mémoire de maîtrise en anthropologie à l’Université Laval vise à explorer la performativité et la représentation de l’identité sourde au sein des arts de la scène sourde montréalaise.

Elle organise aussi dans l’optique de son travail un événement de poésie et culture sourde en 2012 intitule Par les mains pour les yeux. Le spectacle aura lieux une première fois au Petit Medley à Montréal le 16 janvier 2012. Puis, il aura lieu une deuxième fois à Québec au Cercle le 23 mars 2013.

Extraits intéressants du mémoire sur l’historique de la scène sourde

« Au début des années 1960, des artistes sourds ont commencé à monter sur les planches de la scène artistique montréalaise pour y présenter des performances variées. À partir de ce moment, la fierté sourde naissante fera ses premiers pas dans le monde des arts. Au cours des décennies qui vont suivre, des changements vont s’opérer au sein des productions artistiques sourdes. Alors que les arts sourds (théâtre, poésie, sculpture, peinture,
performances vidéo, etc.) des années 1970-1980 semblent davantage être tournés vers une diffusion interne à la collectivité sourde, dès le début des années 1990 les performances de la scène sourde vont de plus en plus toucher un public d’entendants, et ce grâce à la présence d’interprètes et l’intégration de musique au sein des pièces théâtrales. » (p. 48-49)

« Dans le courant des années 1990-2000, le Théâtre des Mains, alors dirigé par Denise Read, mettra en scène des pièces bilingues (LSQ et français) et ira même jusqu’à créer une oeuvre quadrilingue (LSQ, ASL, français et anglais) magistrale pour la communauté sourde québécoise : Roméo et Juliette. Le monde détruit par deux communautés. Cette pièce fut jouée trois années consécutives ainsi que dans le cadre du 14e Congrès de la Fédération Mondiale des Sourds à Montréal (2003). Durant cette même année, la troupe a également produit Le rêve misérable, une oeuvre bilingue (LSQ et français) accompagnée par une trame musicale. C’est donc à partir des années 1990 que les performances artistiques émanant de la communauté sourde ont commencé à attirer de plus en plus des personnes entendantes ayant un intérêt pour la Langue des Signes Québécoise. » (p. 49)

« L’entreprise Spectacle Interface, fondée en 2008 par les interprètes Joëlle Fortin et Martin Asselin, propose des spectacles adaptés en Langue des Signes Québécoise et s’adressant au grand public sourd et entendant. Le concept de leurs spectacles repose sur l’interprétation simultanée en LSQ aux côtés de comédiens entendants professionnels. (…) elle a aussi interprété lors de soirées de contes au café Lubu. » (p. 49-50)

« À la différence de Spectacle Interface, les performances de Julie Châteauvert sont moins connues au sein de la communauté sourde et se situent en marge des œuvres dites « grand public ». (…) Les performances qu’elle propose sont conceptuellement denses et nous apportent une réflexion approfondie sur la langue des signes, sur l’identité sourde, la culture sourde et son histoire. Pour réaliser ses projets en lien avec des composantes culturelles sourdes, Julie C. a travaillé avec des danseurs sourds et entendants. Selon les propos de l’artiste, mais aussi selon quelques témoignages recueillis à ce sujet, ses projets controversés semblent susciter de vives réactions au sein de la communauté sourde. (…) lle affirme que la LSQ est une langue visuo-spatiale qui a à se battre pour sa reconnaissance. (…) Son projet Vers une poétique de la Langue des Signes Québécoise est un argument en faveur de la reconnaissance des langues des signes ; c’est un manifeste politique. Il porte le slogan : « Poser la poésie comme un argument de plus en faveur de la reconnaissance des langues des signes. S’il y a poésie, qui peut nier le statut de langue ? » » (p. 53-54)

« Le théâtre de recherche du TRES Théâtral tente de voir comment arriver à créer une histoire qui va être comprise autant des personnes sourdes que des personnes entendantes. Pour y parvenir, Julie J. et ses comédiens sont constamment en train de réfléchir aux mouvements, aux actions, aux lieux, à l’espace de jeu, de lumière et au décor, afin de s’assurer que tout le monde ait accès à ce qui se déroule sur scène et que le message proposé soit le plus clair possible. Depuis sa fondation (1999), l’équipe du TRES Théâtral a connu beaucoup de changements et la troupe semble rencontrer d’importantes difficultés à recruter de nouveaux comédiens et plus particulièrement, à engager des comédiens sourds. » (p. 56)

Artistes sourds :
« Présentement, aucun artiste sourd de la scène montréalaise ne peut vivre de son art. Les artistes sourds québécois ne sont pas ou peu reconnus en-dehors de la communauté sourde et par conséquent, leur audience demeure restreinte. Ces derniers vont principalement produire des numéros (sketchs, chansons signées, poèmes, improvisation gestuelle) dans le cadre d’événements culturels sourds, tels que la Journée Mondiale des Sourds, la fête du Jour de l’an qui se tient au Centre des Loisirs des Sourds de Montréal (CLSM) ou lors de la Fête des Femmes organisée par la Maison des Femmes Sourdes (MFS). En ce moment, Gérard Courchesne semble être le seul artiste sourd montréalais qui offre un spectacle d’humour intégral, le GC Show, dans lequel il invite des comédiens sourds et des membres du public à improviser sur des thèmes qu’il a choisis. (…) De plus, ils sont rarement invités à participer aux activités culturelles et artistiques entendantes, mises à part lors de quelques événements exceptionnels. Présentement, on remarque que la plupart des troupes de mimes (Troupe de Mimes des Sourds de Montréal), de danse (Boischatel) et de théâtre (Le Théâtre Visuel des Sourds, Le Théâtre des Mains) qui ont existé entre 1960 et la fin des années 1990 se sont éteintes. L’intérêt artistique des jeunes sourds d’aujourd’hui semble s’être davantage tourné vers des créations audio-visuelles. » (p. 58-57)

Artistes sourds interviewés :

Mémoire complet